On nous bassine avec la mobilité (surtout sur le plan professionnel) : ce serait un peu comme bouge ou crève ! Être mobile ou être un mobile ? Parfois, les deux ne sont pas très éloignés. Je parle, vous savez, de ces objets décoratifs qui, suspendus au plafond, virevoltent au gré des vents… Fermes en elles-mêmes, ces figurines, suspendues par un petit filin, sont les pures esclaves des courants du moment.
A Coluche qui, citant très ironiquement le politicien français Raymond Barre à la fin des années 70, rappelait malicieusement l’urgence (sur le plan politique) de « mettre un frein à l’immobilisme », j’oppose – pour le bien de notre maison commune (1) et pour notre équilibre mental – l’urgence de goûter à l’immobilité…
Je souscris au défi de passer d’une mobilité insensée – celle au service d’une croissance économique inhumaine – à une profonde immobilité mais sans aucun immobilisme ! J’entends : l’immobilité sage de ceux qui savent s’arrêter et ne plus bouger dans un acte souverain et courageux qui permet de revenir sérieusement à l’essence de la vie humaine pour mieux agir. Une cessation d’activité silencieuse et priante qui permet d’être mieux enraciné et tendu, ensuite, vers l’action juste, pleine et aimante (missionnaire ?) envers moi-même, autrui et la maison commune. Sans immobilisme, c’est-à-dire sans cette oisiveté centrée sur mon seul bien-être qui ne mène qu’à une excroissance de moi-même sans fécondité.
J’invite non pas à l’immobilité crasse de ceux qui, désengagés, préfèrent s’enfoncer dans un lâcher-prise tout empreint d’indifférence. Non ! Plutôt à celle, toute intérieure et orientée, qui permet à l’humain de retrouver, au creux de lui-même, l’unité avec la Source même de sa vie, source dont tout être a besoin pour retrouver le (bon) sens d’une saine mobilité. En effet, je crois fermement qu’il nous faut augmenter notre capacité à savoir nous arrêter ! Et même plus encore, quelques moments chaque jour, à ne plus bouger ! D’ailleurs, la vie nous y pousse inexorablement : immobile dès le sein maternel, le grand âge (ou la maladie) nous rappellera tantôt à l’immobilité.
« Mais voilà, tout arrêter, est-ce aussi simple et facile ? Faites-en l’expérience ou rappelez-vous simplement votre dernier jour de congé : n’avez-vous vraiment rien fait ? Ne vous êtes-vous pas agité et activé, n’avez-vous pas bougé ? Comment donc réussir à marquer des arrêts, des pauses, des stations ? C’est tout l’art de s’immobiliser, que propose le philosophe Jérôme Lèbre. » Dans un récent essai (2), notre homme ose faire l’éloge de l’immobilité et prend le contre-pied des temps actuels : « Dans ce monde qui semble soumis à une accélération constante, où l'on ne cesse de louer la marche ou la course, nous souhaitons et craignons à la fois que tout ralentisse ou même que tout s'arrête. » Notons la peine de notre société capitaliste à imaginer qu’un avenir possible puisse résider dans une certaine décroissance !
L’art de l’immobilité un « art paradoxal » et « l’accomplir est difficile, continue J. Lèbre. Car ne rien faire implique, en fait, un énorme effort : celui de faire face aux critiques de l’immobilisme et celui de faire face à ce que l’on redoute : être empêché, stoppé, paralysé (Pensons au vocabulaire du travail : on est arrêté ou alors on a un avancement), et enfin, le plus gros des efforts : celui de se faire face, de rentrer en soi, précise-t-il. Les éloges de la mobilité comme la critique de l'accélération sont passés, selon lui, à côté de ces situations (prison, accidents ou paralysies, disciplines scolaire ou professionnelle, embouteillages, etc.) où l'immobilité s'impose, non sans violence.
Il faut redonner son sens à l'immobilisation, admet notre auteur. Car cette peine est aussi une étape, une station, impliquant le corps et la pensée. Et j’ajoute avec force le rapport à la transcendance. Tenir debout, assis, dans la position du lotus ou même couché, termine-t-il, c'est exercer sur soi une contrainte signifiante. (…) Savoir faire halte, c'est savoir résister. »
J’en prends sérieusement de la graine !
A Coluche qui, citant très ironiquement le politicien français Raymond Barre à la fin des années 70, rappelait malicieusement l’urgence (sur le plan politique) de « mettre un frein à l’immobilisme », j’oppose – pour le bien de notre maison commune (1) et pour notre équilibre mental – l’urgence de goûter à l’immobilité…
Je souscris au défi de passer d’une mobilité insensée – celle au service d’une croissance économique inhumaine – à une profonde immobilité mais sans aucun immobilisme ! J’entends : l’immobilité sage de ceux qui savent s’arrêter et ne plus bouger dans un acte souverain et courageux qui permet de revenir sérieusement à l’essence de la vie humaine pour mieux agir. Une cessation d’activité silencieuse et priante qui permet d’être mieux enraciné et tendu, ensuite, vers l’action juste, pleine et aimante (missionnaire ?) envers moi-même, autrui et la maison commune. Sans immobilisme, c’est-à-dire sans cette oisiveté centrée sur mon seul bien-être qui ne mène qu’à une excroissance de moi-même sans fécondité.
J’invite non pas à l’immobilité crasse de ceux qui, désengagés, préfèrent s’enfoncer dans un lâcher-prise tout empreint d’indifférence. Non ! Plutôt à celle, toute intérieure et orientée, qui permet à l’humain de retrouver, au creux de lui-même, l’unité avec la Source même de sa vie, source dont tout être a besoin pour retrouver le (bon) sens d’une saine mobilité. En effet, je crois fermement qu’il nous faut augmenter notre capacité à savoir nous arrêter ! Et même plus encore, quelques moments chaque jour, à ne plus bouger ! D’ailleurs, la vie nous y pousse inexorablement : immobile dès le sein maternel, le grand âge (ou la maladie) nous rappellera tantôt à l’immobilité.
« Mais voilà, tout arrêter, est-ce aussi simple et facile ? Faites-en l’expérience ou rappelez-vous simplement votre dernier jour de congé : n’avez-vous vraiment rien fait ? Ne vous êtes-vous pas agité et activé, n’avez-vous pas bougé ? Comment donc réussir à marquer des arrêts, des pauses, des stations ? C’est tout l’art de s’immobiliser, que propose le philosophe Jérôme Lèbre. » Dans un récent essai (2), notre homme ose faire l’éloge de l’immobilité et prend le contre-pied des temps actuels : « Dans ce monde qui semble soumis à une accélération constante, où l'on ne cesse de louer la marche ou la course, nous souhaitons et craignons à la fois que tout ralentisse ou même que tout s'arrête. » Notons la peine de notre société capitaliste à imaginer qu’un avenir possible puisse résider dans une certaine décroissance !
L’art de l’immobilité un « art paradoxal » et « l’accomplir est difficile, continue J. Lèbre. Car ne rien faire implique, en fait, un énorme effort : celui de faire face aux critiques de l’immobilisme et celui de faire face à ce que l’on redoute : être empêché, stoppé, paralysé (Pensons au vocabulaire du travail : on est arrêté ou alors on a un avancement), et enfin, le plus gros des efforts : celui de se faire face, de rentrer en soi, précise-t-il. Les éloges de la mobilité comme la critique de l'accélération sont passés, selon lui, à côté de ces situations (prison, accidents ou paralysies, disciplines scolaire ou professionnelle, embouteillages, etc.) où l'immobilité s'impose, non sans violence.
Il faut redonner son sens à l'immobilisation, admet notre auteur. Car cette peine est aussi une étape, une station, impliquant le corps et la pensée. Et j’ajoute avec force le rapport à la transcendance. Tenir debout, assis, dans la position du lotus ou même couché, termine-t-il, c'est exercer sur soi une contrainte signifiante. (…) Savoir faire halte, c'est savoir résister. »
J’en prends sérieusement de la graine !
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(1) C’est-à-dire notre planète dans l’encyclique Laudato Si’ du pape François.
(2) Jérôme Lebret, Eloge de l’immobilité, Desclée de Brouwer, 2018.
Crédit images :
Couverture du livre de Jérôme Lèbre
© www.lalibrairie.com
Images d’ouvriers en pause
© http://cdn.radiofrance.fr
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