J’ai souvent des difficultés à ingérer la
presse quotidienne. Au fil des pages, je me demande quel sens et quel impact cela
peut bien avoir de prendre connaissance de tel ou tel événement en tant que
phénomène social sans qu’il soit relié. Relié à un tout, à un contexte plus
général, à un faisceau de sens qui n’émane que dans la durée. Que puis-je
retenir d’un fait isolé si ce n’est le plaisir de savourer que « moi, je
sais ce qui est arrivé, car je l’ai lu dans le journal (où je l’ai vu à la télé ! ».
C’est ainsi que je n’ai jamais été abonné à un « quotidien »… Le
journalisme d’information quotidienne balbutie, tente des élargissements, des
recoupements avec des faits passés, mais reste toujours en surface… Et je n’aime
pas perdre mon temps en surface. Alors, soit j’en reste au titre ou aux 5 premières lignes – combien en
reste là ? – ou alors je lis les brèves des agences de presse
qui, en général, en restent plus ou moins aux faits.
Pour comprendre une réalité, je pense qu’il
faut d’abord « être saisi » par ce qui arrive au sens le plus large
du terme, diversifier les points de vue, pouvoir élargir le contexte et varier les
cycles d’analyse. J’entends par là que, pour relier un fait à un contexte
global qui soit significatif, il faut pouvoir le lire, et le relire encore. Un
même fait, relu contextuellement dans une analyse à court, à moyen, à long et à
très long terme (1), va prendre une importance et une tournure tout à fait
nouvelle. C’est seulement en inscrivant un fait à l'intérieur de certaines durées, en le
relisant et en le reliant constamment à des environnements politiques plus généraux
que nous comprendrons toujours plus profondément, par exemple, le vote du 9
février sur l’initiative « contre l’immigration de masse ». C’est, je crois,
dans la conjonction des cycles courts et longs (2) que la compréhension de l’histoire
me semble la plus riche.
Le fait est que, traiter un fait aussi
sérieusement est un travail et non plus un loisir. Et, en effet, la lecture
quotidienne de la presse passe avant tout aujourd'hui pour un loisir dans notre « civilisation »…
Ce voyeurisme sans compassion est d’ailleurs souvent décrié.
Bref, en matière d’information, le temps fait
son travail de discernement. Ce qui semble important aujourd’hui ne le sera
déjà plus demain et ce qui semblait tellement marginal hier, sera peut-être
la question cruciale de demain… Personne n’acquiert quelque sagesse que ce
soit dans l’instant ! Pour aujourd’hui, donc, j’en reste aux titres,
demain m’en dira plus… ou pas, cela dépendra de ma capacité à être relié…
Pascal Tornay
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(1)
Jusqu’à
plus de 1000 ans, comme Fernand Braudel dans son livre « La dynamique du
capitalisme » (Flammarion, Paris, 1999) ou plus encore lorsqu’il s’agit de
l’étude de la trajectoire des civilisations.
(2)
Cycles
dits « Kondratiev ». Nikolai Kondratiev est un économiste soviétique
célèbre pour sa théorie des cycles économiques, démontrant que les économies
capitalistes connaissent une croissance soutenue de long terme (50 à 60 ans),
suivie d'une période de dépression.
Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nikolai_Kondratiev. Le fond de cette théorie – reprise par un autre économiste, contemporain de Kondratiev, Joseph A. Schumpeter et liée au contexte économique – a été utilisée par d’autres chercheurs comme William Strauss et Neil Howe aux Etats-Unis pour l’appliquer à d’autres contextes notamment dans l'histoire de la politique électorale des USA.
Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nikolai_Kondratiev. Le fond de cette théorie – reprise par un autre économiste, contemporain de Kondratiev, Joseph A. Schumpeter et liée au contexte économique – a été utilisée par d’autres chercheurs comme William Strauss et Neil Howe aux Etats-Unis pour l’appliquer à d’autres contextes notamment dans l'histoire de la politique électorale des USA.