Nous avons tous un jour ou l’autre entendu le terme « théorie » utilisé sous forme de subtil reproche… D’ailleurs, le terme engendre presque instantanément un flot véhément de moqueries chez ceux qui semblent les subir ! « Théories ! » renvoie le plus souvent aux discours pompeux et incompréhensibles de tel ou tel spécialiste ou, pire, aux propos sans nuances de madame ou monsieur « je-sais-tout » accoudé au bar et assénant à qui veut l’entendre la dernière explication sans faille sur tel ou tel sujet brûlant. Dans ce cas, la théorie peut effectivement être vécue comme une phase pénible d’un processus amical s’approfondissant…
Ainsi, « quand on parle aujourd’hui de « théories », c’est plus ou moins dans le sens d’ « abstractions », de choses très éloignées de la réalité, d’affaires « intellectuelles », etc. Goethe (?) a même écrit : « Grise est toute théorie, mais toujours vert est l’arbre éternel de la vie ». On est ici en présence d’une altération et d’un affaiblissement du sens originel. Pour les Grecs, « theoria » ne voulait pas dire intellectualité abstraite, mais bien plutôt vision réalisatrice, quelque chose de particulièrement actif, l’acte de ce qu’il y a de plus élevé chez l’être humain (…). » (Source >>>)
Ainsi, « quand on parle aujourd’hui de « théories », c’est plus ou moins dans le sens d’ « abstractions », de choses très éloignées de la réalité, d’affaires « intellectuelles », etc. Goethe (?) a même écrit : « Grise est toute théorie, mais toujours vert est l’arbre éternel de la vie ». On est ici en présence d’une altération et d’un affaiblissement du sens originel. Pour les Grecs, « theoria » ne voulait pas dire intellectualité abstraite, mais bien plutôt vision réalisatrice, quelque chose de particulièrement actif, l’acte de ce qu’il y a de plus élevé chez l’être humain (…). » (Source >>>)
Qui plus est, le terme « theoria » en grec donc, peut être traduit par « contemplation » et pourrait désigner « la sensation spirituelle de Dieu, au cœur et au delà de la prière ». La contemplation est l’aboutissement et la transfiguration de l’action, de la praxis monastique. Contemplatif, en grec « théorètikos » désigne le moine adonné – en action donc – à la « theoria », à la contemplation.
(Cf. Olivier Clément (dir.), La philocalie, DDB, Paris, 1995.)
Pour Isaac le Syrien (Ermite chrétien du VIIème s.) « theoria » signifie « vision de l’esprit » et la sensation des mystères divins qui sont cachés dans les choses et les causes. Le traducteur des Discours en anglais, traduit « theoria » par les mots « vision divine » et « vision » ; l’œuvre de l’Esprit Saint qui révèle à l’intellect les mystères divins qui demeurent caché à la raison humaine.
Mais sans aller jusqu’à l’acception spirituelle du terme, je propose de vous faire prendre conscience de l’importance incroyable de l’aspect théorique avec un bête exemple d’un fait du quotidien :
Vous êtes en vacances et vous cherchez une ville charmante que vous voudriez visiter. Comme vous n’êtes pas encore à la dernière page de la technologie (le GPS), vous demandez à votre épouse de vous passer la carte de la région. Vous en faites une lecture rapide mais efficace et vous vous retrouvez dans la ville choisie en un tournemain… Bref. Vous avez eu besoin d’un aspect théorique de la réalité pour vous situer dans la réalité proprement dite !
Avec ce petit exemple, vous comprenez peut-être maintenant l’importance de l’abstraction théorique appliquée à un fait du quotidien. De fait, aucune avancée dans la connaissance n’est possible sans détours par la pensée, par le conceptuel, par l’abstraction théorique ! Quel fol architecte va, sans aucune vision, sans aucune visée, se mettre directement à bâtir ?
Croquis de l'aile de Léonard de Vinci Source >>> |
Penser la réalité est indispensable, car nous ne pouvons connaître que par le truchement de la comparaison entre l’abstraction et la réalité. Nous ne pouvons pas connaître à partir de rien. Il nous faut une matrice (le concept) pour qu’en fait, nous puissions ensuite « simplement » re-connaître (*). C’est ainsi que, comme je le dis souvent, penser, théoriser n’est pas facultatif pour avoir les pieds sur terre. C’en pourrait même être la condition fondamentale. Les théoriciens efficaces et intelligents – qu’on appelle aussi les « génies » au sens le plus large du terme – ont la plante des pieds bien posée dans le réel. C’est ainsi que, mettant subtilement, humblement et fermement en dialogue la réalité et les notions théoriques, ils parviennent à développer, dans ce dialogue continuel, des connaissances nouvelles et à progresser.
Pour parvenir à une connaissance nouvelle, l’être humain doit donc pouvoir mettre deux réalités en dialogue. Nous ne pouvons pas connaître sans passer par ce dialogue intérieur-extérieur entre le concept (la réflexion) et la réalité (les expériences). C’est ainsi qu’estimer la théorie au beau sens du terme, c'est-à-dire au sens où la théorie est accoucheuse d’expériences nouvelles, d’étonnements et d’un plus grand sens du réel, permet à l’être humain de vivre encore plus fortement et plus densément toutes les dimensions qui lui sont constitutives.
(*) En ce sens précis, en réalité, je ne suis pas certain que l’être humain puisse réellement connaître au sens fort et premier du terme, il ne fait que re-connaître des choses qui se présentent à lui et dont il a tenter d’en penser l’existence ou la nature.
Pour parvenir à une connaissance nouvelle, l’être humain doit donc pouvoir mettre deux réalités en dialogue. Nous ne pouvons pas connaître sans passer par ce dialogue intérieur-extérieur entre le concept (la réflexion) et la réalité (les expériences). C’est ainsi qu’estimer la théorie au beau sens du terme, c'est-à-dire au sens où la théorie est accoucheuse d’expériences nouvelles, d’étonnements et d’un plus grand sens du réel, permet à l’être humain de vivre encore plus fortement et plus densément toutes les dimensions qui lui sont constitutives.
(*) En ce sens précis, en réalité, je ne suis pas certain que l’être humain puisse réellement connaître au sens fort et premier du terme, il ne fait que re-connaître des choses qui se présentent à lui et dont il a tenter d’en penser l’existence ou la nature.
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