Aimer - connaître

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Photo de Guy Leroy

mardi 2 septembre 2008

L’art de vivre en harmonie. Troisième extrait du livre d’Anselm Grün.

On
connaît tous la sentence de Socrate - « Connais-toi toi-même » -
inscrite, comme pour ne jamais plus l’oublier, sur le fronton du temple
de Delphes. Comment imaginer en effet améliorer, affiner notre rapport
au monde sans prendre le temps de bichonner, d’écouter ce formidable
outil sensoriel et spirituel qu’est notre cœur ! La Bible a parfois
utilisé le terme de « reins » pour parler de ce nœud au plus profond de
nous-mêmes. Les reins, ces filtres qui renouvellent, ces tamis qui
épurent… Ce centre où habite notre dignité, où germent nos intentions,
jaillissent nos joies et nos peurs ; ce centre rongé aussi par notre
culpabilité et notre hargne.

Nouveau choeur de l'église de Verbier-Station.
Le plexiglas fait rayonner la lumière en la laissant la traverser de part en part. 

Pourtant c’est
si facile de vaquer plutôt sans cesse ici et là sans prendre le temps
de rester en sa propre compagnie. Pourquoi faire ? Justement, pour rien,
se laisser respirer, laisser un espace, un peu de jeu pour que, comme
le bois, nous puissions « travailler ». Le temps de quelques minutes de
silence pour laisser monter en soi, ses désirs profonds, ses peurs et
les laisser prendre non plus un place démesurée, mais la leur. Comme une
respiration, dira Grün, comme un flux et un reflux qui apaise, qui
solidifie. C’est dans le repos, le silence d’un instant que se pose
l’Homme, qu’il grandit, qu’il épanouit ensuite toutes ses activités.
Pour que notre vie active, ne soit pas un activisme, vide de sens – et
surtout vide de bon sens.

Ah, moi-même, ce grand oublié !

Bonne lecture !


Pascal Tornay
Septembre 2008

Connais-toi toi-même.

"A quoi bon aller sur la lune si nous sommes incapable de franchir
l'abîme qui nous sépare de nous même ? Voilà le plus important de tous
les voyages d'exploration et, sans lui, tous les autres sont non
seulement vains mais cause de désastre." Cet avertissement, c'est Thomas
Merton, moine trappiste et écrivain spirituel, qui l'a formulé juste
après le premier voyage humain sur la lune. Ce voyage lunaire fascina le
monde et le fit rêver; en effet, cette utopie technologique donnait des
ailes à l'imagination et poussait l'optimisme, laissant espérer que
toutes les limites pouvaient être repoussées. C'était il y a plusieurs
décennies, déjà, mais ces mots sont toujours aussi vrais. Il y a peu,
une femme me parlait de son ex-compagnon, chef d'entreprise à qui tout
réussissait, qui l'avait abandonnée lorsqu'elle fut enceinte de lui.
Admiré de beaucoup, cet homme n'a pourtant pas conscience de maltraiter
les femmes dès qu'elles risquent d'égratigner son image. Il est évident
qu'il est éloigné de lui-même: ambitieux dans ses projets
professionnels, où il met en oeuvre le monde entier, il ne sait pourant
pas trouver le chemin qui le conduirait à lui-même. Il ne veut pas
reconnaître sa part de fragilité qu'il s'efforce de maquer par son
activisme. Tant qu'il n'aura pas surmonté l'abîme qui le sépare de
lui-même, il ne pourra être une bénédiction pour les autres. Il
continuera de blesser les gens autour de lui. Il lui faut abaisser les
autres pour croire à sa propre grandeur. Il rassemble autour de lui des
"nains admiratifs", comme l'a formulé le thérapeute munichois Albert
Görres. Et il refuse tout ce qui pourrait l'aider à se connaître
lui-même. Ainsi, tout ce qu'il entreprend, même si c'est à première vue
avec succès, continuera à détruire des êtres humains et, au bout du
compte, n'apportera aucune bénédiction en ce monde."

 
Va à la rencontre de toi-même.

« Va à la rencontre de toi-même – c’est là une des recommandations les
plus importantes  pour tous ceux qui avancent sur le chemin
spirituel. Pour les premiers moines, la connaissance de soi constituait
la condition essentielle de la rencontre avec Dieu. « Si tu veux
connaître Dieu, apprends à te connaître toi-même ». Celui qui ne se
connaît pas projettera sur Dieu ses aspirations refoulées. Il adorera
ainsi ses propres représentations sans atteindre le Dieu véritable qui
est toujours le tout-autre. La connaissance de soi nous délivre de nos
illusions et nous permet, ainsi, un regard clair et sans préjugés sur ce
tout-autre. Dieu passe alors de l’état de représentation de l’âme à
celui de réalité qui nous fait face.

Penser que notre vie
spirituelle consiste à bien maîtriser les passions de l’âme, à se
défaire de l’emprise des émotions et à parvenir à un état de liberté
intérieure est une idée qui ne date pas d’aujourd’hui. Il faut accepter
ses émotions, dialoguer sans cesse avec ses passions afin qu’elles
fécondent notre vie intérieure par l’énergie qui les anime. Ce n’est
qu’à la condition de laisser advenir ses propres sentiments, de les
accepter, que la vie spirituelle peut s’épanouir. D’ailleurs, c’est ce
que nous démontre notre respiration. En effet, elle possède une
structure intégrative, reliant dans son flux la tête, le cœur et le
ventre, soit l’intelligence, les sentiments et la vitalité. Dans sa
dynamique, elle montre le chemin à l’homme : accepter, relâcher, se
réunifier et se renouveler – c’est ce que nous apprenons sans cesse dans
le flux de la respiration. »

Extrait d’Ansel Grün, L’art de vivre en harmonie, Albin Michel, Paris, 2004, pp. 25-26 ; 30-31.

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